Archive for septembre, 2010

Benoît, 33 ans, informaticien pour Telecom, vit à Wellington depuis 5 ans.

jeudi, septembre 2nd, 2010

L'entretien avec Benoît, le 16 Août 2010 sur le front de mer à Wellington pendant la pause déjeuner. En arrière plan on aperçoit le Mont Victoria.

Visitez la galerie photo : Benoit, (cliquer sur l’une d’entre elle pour faire défiler les photos en grand format).

Peux-tu me raconter quel a été ton parcours avant la Nouvelle Zélande ?
Je suis originaire du nord de la France, de Lille. J’ai toujours été très attiré par les voyages. En tant qu’étudiant j’ai voyagé dès que j’ai pu. J’ai fait un stage de 6 mois en Bavière et un autre au Canada (à Montréal).

Tu parles allemand aussi alors ?

Oui, un allemand bavarois !
Ensuite en 1999 je suis rentré et ai travaillé en France. Ceci ne me convenait pas, mais en 2001, alors que j’étais consultant, j’ai

Pyramide divisée en deux, l’une représentant l’île du nord : Te Ika-a-Māui (« le poisson de Māui »), et l’autre l'île du Sud : Te Wai Pounamu (« eaux de jade ») ou Te Waka-a-Māui (« le waka de Māui »). Le sommet est vert comme la jade, pierre précieuse et traditionnelle de Nouvelle-Zélande. Le pays aurait été découvert vers l’an 900 par le navigateur polynésien Kupe qui aurait d’abord vu la couverture de nuages sur le pays, d’où le nom maori Aoteroa (« le pays du long nuage blanc).

été envoyé un peu partout en Europe. Ceci m’a « sauvé » car à Paris j’avais l’impression de faner… Je suis donc retourné en Bavière en 2001, en 2002 en Autriche, en 2003 j’ai été envoyé en Angleterre…

Tu faisais des allers-retours ou tu vivais là bas ?
Je partais le lundi et rentrais le vendredi, dormais dans des hôtels. Je suis aussi allé en Suisse, Belgique, l’Espagne… Nous avions déménagé à Lille. En 2005 ça commençait à être difficile en terme de relation, pour construire quelque chose, donc j’ai décidé d’arrêter ce travail. Je savais que je n’étais pas intéressé par rester vivre en France. Ca fait 13 ans que je suis avec Seb et lui les voyages à l’étranger ça n’est pas son truc. Mais pour moi c’était essentiel. Finalement on s’est mis d’accord sur le fait que nous allions déménager. Au début nous pensions rester en Europe, moi j’avais envie de Stockholm, lui de Barcelone… Pour lui les journées trop courtes de Stockholm ça ne lui allait pas, pour moi Barcelone était une trop grande ville. Donc on a fini par se mettre d’accord sur Munich. Puis en en discutant avec un copain, nous nous sommes dit que quitte à recommencer de zéro, autant recommencer dans un endroit qui nous plaisait vraiment. Et en fait Munich était plutôt un compromis. Du coup on a décidé de partir en Nouvelle-Zélande parce que c’était vraiment la destination qui nous faisait fantasmer.
Donc en 2005 on arrive à Wellington (sans être jamais venu), on se donne 3 mois pour voir si ça nous plait et pour trouver un boulot. Et les deux ont été comblés à 100%. En décembre nous sommes rentrés en France pour noël et pour prendre nos affaires. En janvier 2006, nous voilà à Wellington avec un boulot, et la maison que nous habitons encore aujourd’hui.
Tout s’est passé vraiment vite alors !
En fait nous avons d’abord loué et depuis quelques mois nous l’achetons.
Et donc votre vie est ici alors ?

J’ai demandé à Benoit qu’il m’emmène dans un de ses endroits favoris. Il s’agit de Breaker Bay à 5 minutes en voiture de chez lui. Un grand bol d’air !

À vrai dire pour moi l’intérêt au début était de voyager. Quand j’en discutais avec mes parents, ils n’étaient pas ravis de me voir partir si loin… Mais j’avais surtout l’expérience du Canada en tête (pendant mes études) et me souvenais qu’au bout d’un moment j’avais vraiment eu soif de rentrer. Donc j’ai dit à mes parents que nous allions rester maximum 2-3 ans et anticipais le fait que nous allions avoir envie de rentrer. Mais, nous ne nous attendions pas du tout à la qualité de vie que nous avons trouvée ici et au fait que nous allions nous sentir si bien. Ça fait maintenant presque 5 ans. Je pense que si un jour on rentre en France, ce sera poussés par les circonstances. Par contre, se rapprocher de la famille en réintégrant un pays d’Europe, pourquoi pas. En bref, on verra.

Breaker Bay , Wellington.

Comment vis-tu ton émigration ?
Je trouve la mentalité ici très très facile, très accueillante, très souple, très fluide. Je suis fasciné par la gentillesse des gens ici. Pour mieux expliquer ce que je ressens ici, je vais t’expliquer la façon dont je ressens les choses en France, où des fois j’ai l’impression que la façon dont la société fonctionne et les rapports sont organisés qu’on a un peu perdu une certaine humanité. Des fois on a oublié pourquoi certaines choses ont été faites ainsi. Je comprends mieux la société ici, elle me correspond mieux. Ici il y a autant d’indiens, que d’européens, que d’asiatiques… Donc naturellement il n’y a pas les questions d’identité qui posent problèmes en France, ou en Europe.

Dans la cuisine, une bouteille de Calvados sur l’étagère… La France reste présente !

Tu parles de racisme ?
Oui, de ségrégation, racisme… Ici tout le monde vient d’ailleurs. Même les Kiwis « de souche » ont en fait des grands-parents émigrés. Les gens que je côtoie ici sont d’origine danoise, anglaise… J’ai même l’impression (même si cela peut paraître fou !) qu’il y a ici une meilleure intégration européenne, qu’en Europe, où on se pose des questions…
Un jour au boulot nous étions en réunion et nous nous sommes rendus compte qu’il n’y avait pas une personne d’origine kiwie et pas deux personnes de la même nationalité, sur 10 personnes !
Donc en terme d’intégration, je trouve que c’est extrêmement facile.

Pancarte du café que tenait Benoît : « Mon Ami ».

Que te manque-t-il de la France ?
En premier lieu les amis et la famille. Des fois ça serait vraiment sympa de boire une bière avec les gens de là bas ici ! Les traditionnels dimanches en famille… Mais aujourd’hui il y a des substituts, avec Skype par exemple, mais ceci ne remplace pas tout.
Quand je suis parti au Canada il y avait l’IRC (connection via un modem). On tapait une ligne et on attendait super longtemps ! C’était très frustrant (car le téléphone est très cher). Maintenant c’est plus facile : hier j’ai eu ma mère sur Skype et instantanément pu lui demander son avis sur la couleur de la façade de la maison que nous allons repeindre ! Mais bon ceci ne remplace le fait d’être ensemble autour d’une table, de partager un pique-nique, un moment ensemble…
Ici je ne me plains pas de la nourriture, mais ça ne remplace pas tout à fait la nourriture en France ! Les Néo-Zélandais sont de plus en plus gourmets, mais bon mes parents cuisinent super bien et ça ne se remplace pas !
Sinon la mentalité française ne me manque pas. Cependant je ne « jette » pas tout. Nous avons par exemple un système social qui est sans aucun doute le meilleur au monde, et c’est un fait, bien que nous nous plaignons !

Une fois par semaine Benoît va au travail en vélo.

Qu’as-tu conservé de ton identité nationale ?
J’ai beaucoup de mal à me sentir citoyen d’un pays. Pendant un moment je me suis senti européen, mais ça n’était pas tout à fait ça. J’ai tellement voyagé que je ne me sens pas tellement rattaché à un pays. Dans mon éducation j’ai une composante française bien sur. Mais en tout cas aujourd’hui je me sens vraiment citoyen du monde.
Au travail, j’ai souvent des réactions un peu plus « sanguines », et je pense que c’est mon héritage latin ! Ceci peut poser problème, car je démarre au quart de tour, je m’impose. Alors qu’ici les choses se font beaucoup plus dans les formes ! Pour qu’un Kiwi s’énerve il faut vraiment le pousser à bout !
Maintenant j’ai 33 ans, passé 5 ans ici, c’est 15% de ma vie, ce qui n’est pas négligeable.
Continuer à vivre à l’étranger me semble une évidence, donc, et si nous devons rentrer en Europe, on privilégiera un pays autre que la France. Car l’échange culturel est devenu très important pour nous. L’endroit pourrait être l’Ecosse, l’Irlande, la Bavière… Un endroit avec beaucoup de nature !
Ce qui est marrant c’est que parmi les Français que je côtoie ici il y a quelque chose que nous partageons, qui est une certaine ouverture d’esprit, l’intérêt pour ce qui est « ailleurs ». Mais par contre les horizons d’où nous venons, les tempéraments sont parfois très tranchés. Et peut-être que si nous nous étions rencontrés en France nous n’aurions rien eu à nous dire. Ceci est très enrichissant.

De bon matin, vue depuis le salon, avant de partir au travail.

Te sens-tu intégré à ta nouvelle ville, au pays, sa politique, à une communauté locale, la culture, la langue, les traditions… ?
Je me sens bien intégré. Ce qui m’a scotché en premier lieu c’est qu’après trois mois de vie ici j’ai reçu un courrier me demandant de m’inscrire pour voter lors des prochaines élections. On m’a demandé mon avis, de participer, ce que j’ai trouvé incroyable ! Ceci a été un signe.
Ici la population est tellement diverse et variée que j’ai l’impression d’être une pièce de ce puzzle.
Ici il y a tout de même les blancs (les pakéas en maoris) et, les maoris qui sont des communautés qui ne se mélangent pas forcément beaucoup. Je trouve ça un peu dommage. Mais par rapport à d’autres communautés mal intégrées en France ou les aborigènes en Australie, ça se passe plutôt bien ici.
Sinon, concernant mes activités j’ai ouvert un café il y a 2 ans, « Mon Ami » au centre ville. Travaillant dans l’informatique c’était une expérience nouvelle pour moi. On a ouvert en septembre 2008 et la récession est arrivée en Nouvelle Zélande en novembre. Le départ était très positif, mais la récession a fait qu’après 2 ans nous avons dû fermer. Les formalités étaient très faciles ici, rien à voir avec la France. Ceci m’a permis de rencontrer beaucoup de gens.

Le Batch Cafe, Owhiro Bay, Wellington.

Sinon j’ai été investi pendant un moment dans la ré introduction du kiwi (l’oiseau) dans la nature aux alentours. J’allais ramasser les pièges (hérisson, furets et autres petits rongeurs), pendant 6 mois.
J’ai aussi fait du rugby. Commençant à 30 ans alors qu’ici ils commencent à 6 ans ça n’était pas si facile ! J’ai adoré l’ambiance mais me suis gravement blessé le dos, donc ai dû arrêter le sport pendant un an. Mais j’ai quand même joué pendant un an et demi. Je n’avais jamais passé autant de temps aux urgences ! C’est un aspect de la vie ici vraiment typique. L’accueil était formidable, l’équipe m’a tout de suite intégré.
Puis ensuite quand j’ai ouvert le café ceci a pris tout mon temps, comme je travaillais toujours la journée en tant qu’informaticien…

Par rapport à l’anglais ?

Benoît aime se promener le long des bais de Wellington et s’arrêter pafois au Bach Cafe, bel endroit, convivial et chaleureux. Ici deux Néo-Zélandais rencontrés sur la terrasse. La femme est en fait originaire d’Angleterre mais vit en Nouvelle-Zélande depuis 40 ans. Ce couple est à l’image d’une majorité de la population: d’origine mixte et facile d’accès : après l’échange d’un sourire la conversation démarre!

Je parlais déjà anglais depuis plusieurs années donc je n’avais pas d’appréhension de ce côté-là. Par contre l’accent kiwi est quand même assez difficile ! J’ai une petite histoire à ce propos.
Quand j’ai rejoint l’équipe de rugby, je ne comprenais pas tout. Donc quand on me demandait quelque chose je répondais « oui » à peu près à tout. Un jour je me suis ainsi retrouvé embarqué dans le voyage annuel de l’équipe ! 5 mois après avoir dit oui ils me disent « voilà ça coûte tant, on part le week-end prochain en Australie ! ». Ne connaissant pas les voyages annuels de l’équipe de rugby je me suis fait surprendre ! Beaucoup d’alcool, un endroit très touristique… Expérience incroyable ! Bayley’s dans mon café à 4h du matin… C’était dur ! (rire !) À 14h j’étais à terre !

As-tu déjà ressenti une quelconque discrimination ?
Une fois, samedi dernier, première fois en 5 ans. Je suis allé louer une voiture, montrer mon permis français qui est normalement accepté partout ici (et par la loi). Mais parce que c’était une pièce d’identité française il m’a posé problème. Mais bon, ceci est un problème mineur. Sinon on est vanné sur le rugby, le Rainbow Warrior, ce qui n’est pas discriminant, mais plutôt un jeu.

Parmi ton entourage as-tu plus d’amis français, un peu de tout ?
Un peu de tout ! Dernièrement à cause du café, mon réseau n’a pas beaucoup évolué car je travaillais tout le temps !

La promenade des Red rocks à 20 minutes du centre ville, tellement loin déjà du grouillement humain.

Quand je suis arrivé j’avais peut-être plus d’amis étrangers, et dernièrement plus de Français. Sûrement parce que je cherchais la facilité.
Nous avons une famille kiwi qui nous est très proche. Ils ont aidé Seb à améliorer son anglais et sont devenus des amis. Ils sont formidables. Nous partageons en plus une passion commune qu’est la voile. Nous partons en expédition ensemble parfois. Notre premier noël ici a été avec eux, ce qui a beaucoup compté pour nous.

À quelle fréquence rentres-tu en France ?
Pour l’instant le plus longtemps que nous avons été absents est une année. Sinon nous sommes rentrés juillet 2010 et 2009. Donc environ une fois par an pour 15 jours -3semaines. Avant nous essayions de rentrer tous les 9 mois, mais financièrement c’était trop difficile. Ici nous avons 4 semaines de vacances par an, donc pour profiter aussi du pays, je suis obligé de prendre des congés non payés.

Promenade des Red Rocks.

Et enfin… As-tu des recommandations à donner aux personnes qui viendraient visiter la Nouvelle Zélande ?
Qu’est ce que je recommande en NZ???? La plupart de mes endroits favoris sont dans l’Ile du Sud. J’aime Karamea pour le sentiment « bout du monde » qu’il me procure. J’aime Still water bay, au sud de Jackson bay, pour les même raisons.
Les Catlins est un endroit fabuleux mais réservé à ceux qui ont du temps, tellement il s’écoule doucement là-bas.
Enfin, quitte à visiter les fjords de Fiordland, je recommande chaudement de faire le Doubtful Sound en kayak, au départ de Te Anau, pour au moins deux jours. Je ne devrais pas le recommander, en fait, car ça va attirer du monde, mais ça vaut vraiment, vraiment le coup, le coût aussi d’ailleurs, et pas besoin d’être super en forme pour le faire, « raisonnablement en forme » suffira.

De juin à novembre on trouve des colonies de phoques, qui se reposent par dizaines.